Le privé peut accélérer la cadence à Bruxelles
Il y a urgence en matière de logements sociaux en Région de Bruxelles-Capitale. Professeur aux facultés universitaires Saint-Louis, Nicolas Bernard n’y va pas par quatre chemins : « Si on veut atteindre les objectifs en termes de production de logements à vocation sociale, il faut absolument développer des collaborations avec les acteurs privés. C’est indispensable. Non seulement, la liste d’attente ne se résorbe pas, mais on ne parvient même pas à la stabiliser. On a dépassé les 50.000 ménages, les 100.000 personnes en quête d’un logement social. »
Nicolas Bernard et son collègue expert Edoardo Traversa s’interrogent sur le système actuel de taxation de la construction et recherchent les leviers qui pourraient remettre en cause la situation actuelle.
Premier constat : la double illégalité du système actuel de TVA. Le régime de TVA à 6 % favorable au secteur public heurte deux principes juridiques essentiels : l’égalité de traitement et la neutralité fiscale. Sur base de cette discrimination vis-à-vis du secteur privé, ils proposent d’élaborer un système alternatif qui respecte l’égalité en matière de TVA et contribue à l’extension du parc social par le biais du secteur privé.
Contreparties sociales
La TVA n’est pas du ressort des Régions, mais bien le logement. « Nous voulions remettre en cause l’argument classique de la Région qui considère que la TVA n’est pas dans ses compétences », explique Nicolas Bernard. « Si on veut être un peu créatif, nous suggérons deux leviers. Tout d’abord, sous le chapeau de sociétés du logement, on peut inscrire des acteurs privés qui pourraient être bénéficiaires du taux réduit de TVA. L’autre levier, si le premier ne fonctionne pas, c’est de dire qu’au moins la Région a la compétence pécuniaire, et elle peut donner des subsides qui suppléeraient le non-octroi par le fédéral d’un taux de TVA réduit. On pourrait compenser un déficit de compétence par un coup de pouce pécuniaire. C’est de l’ordre du possible sur le plan légal, même si cette formule est très peu utilisée. »
Les auteurs ne se limitent pas à un simple constat. La seconde partie de l’article se veut plus opérationnelle. Ils énumèrent une série de contreparties sociales pour l’octroi d’un taux de TVA réduit, comme vendre une certaine proportion de biens ainsi produits à une société de logement social et assujettir à certaines conditions sociales la vente (ou la location) du solde. Ils ne se contentent pas de « mini-solutions » comme des achats clé sur porte ou le Public Housing Partnership proposé par la SLRB (Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale), qui vont dans le même sens mais dans lesquelles le privé ne peut intervenir que de manière ponctuelle et limitée.
« Nous plaidons pour des mesures plus structurelles permettant d’amorcer une vraie tendance susceptible de renverser la dynamique actuelle », conclut Nicolas Bernard. « Le levier fiscal offre une démultiplication que les autres leviers n’ont pas, une solution structurelle et non réversible. Il ne s’agit pas d’un one shot . La loi fiscale s’applique à tous de manière pérenne. Je ne dis pas qu’une mesure est meilleure qu’une autre, toutes les mesures doivent être mobilisées, mais je crois qu’utiliser le levier fiscal a un effet de concrétisation plus marqué. »
Nicolas Bernard et Edoardo Traversa, « Faire construire les logements sociaux par le secteur privé », Brussels Studies, collection générale, nº 164, mis en ligne le 23 janvier 2022.
Brigitte De Wolf-Cambier ■
Source : Le Soir, Jeu. 17 fév. 2022, Page 34 ; revue de presse de la SWL